Ils sont là, je les entends, ils font une sorte de doux bruit de fond. Le brun fait des bruitages de dessin animés dès qu’il touche un objet (prouuuuuuhh, wahhhh, pshiiiiiiiii…), d’habitude ça m’insupporte, là ça me berce. Le roux baratine, je crois qu’il dit tout ce qui lui passe par la tête. La blonde fait plein de petits signes qu’elle accompagne de gazouillis, elle est un spectacle de marionnettes à elle toute seule que nous seuls pouvons comprendre. Dans la voiture en revenant d’Emmaüs, je leur ai demandé ce qu’il voulaient manger. Un truc qu’ils aiment tous les trois. Le roux m’a dit, des frites, des frites on aime ça tous les trois. J’ai dit oui mais avec quoi. En choeur, les garçons ont dit, ben avec du ketchup. J’ai enfin pris le temps de les observer. J’ai regardé les mains de la blonde toucher ses frères. Elle les touche comme si c’était ses doudous, comme si elle les avait toujours connu. Mais en fait, elle les a toujours connu. Sa petite vie, son toujours à elle a toujours été rempli de ces deux belles personnes. Je crois que je l’envie un peu pour ça. Mon toujours à moi a été plus rempli de leur absence que de leur présence. J’ai repensé à leur absence justement. Au petit manteau qu’elle portait ce matin, à ses petites kickers à paillettes. Celles qui n’attendaient qu’elle depuis des années, bien avant que le brun naisse. Je suis infiniment comblée qu’elle remplisse de toute sa petite personne ce manteau tant chéri. Tout à l’heure, les petits dormaient. Les chats miaulaient parce qu’ils n’avaient plus de croquettes. Le brun voulait faire des alebrijes. Pendant que ça séchait, je l’ai convaincu de venir siester avec moi dans mon grand lit. Il gigotait, il faisait du bruit. Il essayer de s’extirper de mes bras trop serrés. Il m’a fait une caresse dans le dos comme pour dire, je t’aime quand même. Leurs bruits, leurs vies dans ma maison, ça me comble comme un estomac affamé enfin rassasié. Ca veut bien dire ça combler, remplir tout? Ils me remplissent le coeur et l’estomac. Même si certains jours la boulimique que je suis voudrais bien manger un peu plus. Comme une folle au casino qui croit qu’elle pourrait gagner le jackpot 4 fois d’affilée. L’odeur de frites est restée dans le séjour. Il vient me reparler de ses trouvailles chez Emmaüs, il se sent tellement chanceux. C’est émouvant. Il avait emmené ses économies dans un pot de confiture. Quatre euros en pièces de 5 centimes. La caissière a râlé, elle a refusé de compter, m’a demandé de payer autrement. Il était déçu. De l’argent c’est de l’argent, non? Mais le temps ma bonne dame, ça ne ne vaut pas 4 euros en pièces de 5 centimes. Le petit me donne des pièces en plastique en me proposant d’acheter ses bonbons. Mais non maman, il faut les manger pour de faux. La maison est sens dessus dessous. Le linge sur le tancarville est sec depuis plusieurs jours déjà. J’ai cherché sur mon téléphone d’où venait ce nom. Vous saviez que le pont de Tancarville ressemblait à un étendoir géant? Il a donné son nom à une marque d’étendoirs. J’adore cette explication, j’ai imaginé mon linge étendu sur le pont. Je n’ai pas envie de ranger, j’ai bien mieux à faire. Manger des bonbons pour de faux. Ils ont goûté, chacun quelque chose de différent. Le brun m’a demandé de tartiner sa brioche. Le roux mangeait des BN. Il faisait semblant de lire ce qui était écrit sur le paquet. Il avait reconnu l’initiale de son prénom. Le grand est venu lui lire ce qui était écrit. Ils étaient collés l’un à l’autre, ils ne se rendent plus compte quand il se touchent, comme des frères vous savez. La petite tenait le dernier cookie maison ton rond. C’est la seule à bien vouloir les manger. J’aime sa façon de le tenir comme une boule de pate à modeler. Elle picorait dedans comme un oiseau. Nous étions bien ensemble. Ils ont réclamé leur papa. J’ai dit qu’il allait bientôt arriver.
Et puis nous sommes partis tous les cinq comme des voleurs pour aller à la grande ville. Cette soirée improvisée était tout aussi parfaite que la journée.
C’est beau ce brin de vie. C’est joli ces instants décrits.
Merci tout plein!
C’est très touchant! Merci infiniment pour ces mots qui me rappellent à quel point il est urgent de ralentir et des les regarder, pour de vrai, de les observer, comme dirait ma fille de 6 ans.
Je vais maintenant m’astreindre à les observer plus souvent!
Merci!
Oui c’est dur de mettre pause parfois!
Jolie tranche de vie superbement mise en mots ;simple et très émouvant moment de bonheur!
Merci pour ce partage!
Merci de me lire…
c’est beau la vie avec nos enfants….
C’est simple, c’est beau et si émouvant. Je connaissais et lisais déjà cette jeune fille qui avait hâte de remplir ce manteau coloré et ces chaussures à paillettes, celle qui espérait que Brigitte (c’est ça le nom du chat non?) soit parfois un bébé. Alors aujourd’hui, je suis heureuse pour toi , pour vous, pour eux qui sont si bien tombés dans ce nid douillet.
Oh oui c’est tellement bon de vivre ces rêves concrétisés… <3
De loin l’un de vos plus beaux textes
Merci beaucoup
Magnifique ce texte !
Belle façon de raconter la vie de la petite famille d’une autre manière (la brun, le roux et la blonde: j’adore). Simple et belle à la fois, c’est ça la vie. Et ça fait du bien de la simplicité sans chichi comme tu le décris.
C’est beau, c’est doux, poétique et profond … les personnes qui n’existent pas encore puevent nous manquer en effet … c’est très troublant comme sentiment. Merci pour ces jolis mots
Merci la chair de cocotte.
Très joli texte, c’est beau de les voir grandir !! Et pour le pont je le savais ça me fait marrer à chaque fois que j’y pense de déplier un pont dans mon salon
Très joli post… je suis comme toi: même s’il ils sont étudiants jeunes adultes maintenant, partis, revenus, repartis, de passage.. j’aime entendre les bruits dans la maison lorsqu’ils sont là, c’est un peu la douceur de l’enfance qui perdure
Quant au pont je le connais depuis toujours mais j’avoue je n’avais jamais fait le rapprochement !
Merci Maeva !