Une démarche de création

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Je réfléchis beaucoup en ce moment à ma façon d’être, d’agir et plus particulièrement à ma façon de créer. Je me suis dit que ces réflexions pouvaient intéresser certaines d’entre vous. Je détaille donc dans cet article mon processus de création textile, pour les autres domaines c’est un peu différent. Alors pour commencer, j’ai observé que je traversais diverses phases dans mon cycle de création (j’ai vérifié et ce n’est pas plaqué sur mon cycle menstruel ;-). Il y a une première phase assez joyeuse où je note les créations que j’ai envie de réaliser, celles qui me passent par la tête, elles vont souvent par petit groupe de 2, 3, 4, 5, voire 6 créations dans un même thème ou une même technique. Si je me lance dans des vêtements je vais peut-être faire deux pantalons, une robe et une jupe. Ou bien alors il peut s’agir de la préparation d’une fête et dans ce cas, je vais préparer plusieurs créations pour la décoration en même temps ou plusieurs cadeaux en même temps. Disons qu’il est rare que je me lance dans un projet isolé, j’en mène la plupart du temps plusieurs de front. Il m’arrive souvent de commencer de nouveaux projets avant d’avoir terminé les projets du thème précédent (c’est un peu le drame de ma vie d’ailleurs). Cette phase prend souvent la forme d’une liste dans un coin de carnet.

Vient ensuite une phase moins joyeuse et très chronophage, le choix précis des MODELES et des MATIERES. Avant je dessinais beaucoup, je faisais des croquis de ce que je voulais, c’est de plus en plus rare. Je fais beaucoup de tableaux Pinterest pour imaginer des ambiances, comme une sorte de mood board. Mais il est important, selon moi d’y aller lorsque l’on sait déjà ce que l’on veut faire. Cela évite de se perdre et de faire du copié collé. J’ai aussi beaucoup de photos IG enregistrées, celles qui m’inspirent des coordonnés de tissu, des formes, des matières… Souvent je patronne moi-même, parfois j’utilise des patrons existants, il m’arrive aussi de les modifier. C’est assez variable. J’arrive beaucoup mieux qu’avant à utiliser les fournitures que j’ai déjà. Je travaille beaucoup sur moi-même sur ce point : je suis assez perfectionniste et jusque là j’étais capable d’attendre 6 mois ou 2 ans avant d’avoir trouvé le bon tissu ou le bon ruban. Je perdais beaucoup de temps et ça me coûtait souvent très cher en fournitures. Désormais, je travaille le lâcher prise et le fameux « c’est pas parfait mais c’est fait » dont je parlais ici. Cette évolution me fait du bien et je crois que j’ai fait une overdose du trop plein de matières dans mon atelier, je n’aurais pas assez d’une vie pour coudre tout ça.

Ensuite, je passe à la DÉCOUPE. Je coupe la plupart du temps plusieurs projets à la fois. Depuis peu, je range chaque projet entamé dans une panière avec toutes les fournitures nécessaires à l’intérieur (Odile si tu me lis, c’est grâce à toi). Ils sont visibles et je peux rajouter un ruban ou un bouton à n’importe quel moment, quand je vois quelque chose qui s’accorderait bien. C’est l’un des temps les plus agréables pour moi : ce moment où plusieurs projets sont en attente, les décisions sont prises, les fournitures sont prêtes, je n’ai plus que l’embarras du choix. Si ce cycle de création était représenté par un graphique, ce moment là serait pour moi, le haut de la courbe.

Arrive ensuite un autre temps important la FABRICATION. C’est un moment où mon esprit peut se mettre en veille. Je n’ai plus à réfléchir mais à exécuter. C’est un moment du cycle où dès que j’ai un moment, je sais que je peux aller à l’atelier sans réfléchir. La multiplicité des projets me permet de gagner du temps sur les changements de fil, de machine, le type de tâches… Je m’autorise à changer de projet dès qu’une difficulté se présente. La fin de cette phase est assez douloureuse pour moi, c’est le moment où il ne reste que les finitions ou des points galères pour pouvoir terminer les créations.

Il y a enfin des périodes où je termine les projets les uns après les autres. Malheureusement, je travaille très bien sous la pression, c’est même un moteur. Je suis du genre à me dire je suis large pour finir ça, si c’est pour le lendemain. je regrette à chaque fois de ne pas m’y être mise plus tôt mais ça finit toujours de la même façon.

Mais le plus agréable dans tout ça arrive après finalement : c’est le moment où mes enfants découvrent ce que j’ai cousu car la plupart du temps c’est pour eux. Si c’est pour moi, ils sont mon meilleur public « t’es belle maman ! ».  Si c’est pour mes élèves, ils sont aussi très enthousiastes la plupart du temps. Après « il faut « prendre des photos pour les mettre ici, c’est pas toujours agréable à faire (mauvaise lumière, enfants grognons, bordel à évacuer…) mais c’est pour moi une façon d’archiver mes projets. Si je n’avais pas ces photos à prendre, de nombreux projets resteraient inachevés je crois. Et puis il y a ce petit plaisir narcissique de voir vos petits <3 et lire vos commentaires, c’est un bon carburant ! Renouvelable qui plus est !

Pour terminer, je dirais que ces cycles durent 3/4 mois en moyenne. J’aimerais bien changer ce fonctionnement pour avoir moins d’en-cours à la fois mais je crois que j’ai un gros problème de gestion des priorités… Affaire à suivre !

Et chez vous, ça se passe comment ? J’adorerais avoir vos retours sur ce sujet !

13 comments to Une démarche de création

  • On a effectivement envie de mettre des petits <3 à tout ce qui tombe de tes mains !

    C'est intéressant de réfléchir à ça ! Tu as raison, moi aussi pour mes projets de livres je passe par plusieurs phases !
    D'abord, l'idée vient et ça c'est génial ! Elle me trotte tout le temps dans la tête et elle aimante plein d'autres idées "oh, Machin pourrait répondre ça et ce serait super drôle, ça entrerait en résonance avec le fait que Truc ait dit ça au début ! Je pourrais dessiner tel bidule qu'on ne s'attendrait pas à voir mais qui raconterait ci ou ça !". Comme toi, tout ça est noté dans un carnet (que je mets 1000 ans à choisir).
    Ensuite, je crois que je préfère commencer par écrire l'histoire, en tout cas quelque chose qui pourrait être l'histoire, avant de me mettre au dessin… J'ai besoin que les images soient brodées autour du texte. Je sais que d'autres illustrateurs procèdent dans le sens inverse mais moi ça m'insécurise de dessiner sans savoir où je vais. Cette période est terriblement galère. J'ai du mal à être objective quant à mes écrits, je trouve ça toujours un peu nul, sur le coup, ce que j'écris, donc je suis très longue, et c'est d'autant plus douloureux que j'ai la sensation de glander pendant ce temps-là (ce qui est en fait complètement faux ! Mais être assise devant mon ordi à réfléchir n'est pas assez efficace, j'aime bien sentir que les choses avancent…). Le truc est vraiment d'écrire tout ce qui passe par la tête sans trop se poser de question, puis d'écrémer. Au départ j'essayais d'écrire un truc bien dès le départ mais c'est trop de pression…
    Ensuite, une fois le texte à peu près écrit, l'histoire inventée, je me mets au dessin. A la fin de la phase d'écriture, les idées d'images commencent à affluer… J'ai un peu la trouille de m'y remettre parce que je n'ai pas dessiné depuis longtemps ! Mais c'est trop bon. En plus, je peux écouter la radio en même temps, ce qui est un plus par rapport à la période d'écriture que j'ai du mal à vivre autrement qu'en silence (ou en écoutant Johnny Halliday et le Pouvoir des Fleurs de Voulzy sur Youtube). C'est une période encore un peu inquiétante parce que j'ai toujours peur de ne pas réussir à dessiner ce que j'ai en tête. Mais c'est quand même un soulagement, j'ai enfin l'impression d'avancer. Je relis mon texte et je me dis "ah mais ça va !!!".
    Et puis une fois un dessin dessiné, je le mets en couleurs et là, c'est la récré, trop facile, c'est presque comme faire une sieste et là je suis de super bonne humeur, ouf !
    Après, il faut scanner les dessins, les "nettoyer" sur Gimp et tenter un peu des mises en page… Ca aussi j'adore… C'est la concrétisation du projet. Je vois enfin ce que ça donne !
    En ce moment, j'en suis à une phase de mise en couleurs, juste avant de scanner, je suis super détendue 😉

    (quand on me lit on dirait que j'ai écrit mille livres ;-))

    C'est cool d'inventer des choses, de fabriquer !
    Merci pour ton ambiance unique Cocotte !

  • Merci pour ton article ! J’ai bien aimé lire ta façon de faire !!! Alors, ça tombe bien que tu demandes parce qu’on ne fonctionne pas pareil 😉
    Comme je suis instit comme toi, je fonctionne par période… de vacances 😀
    – Phase 1 : en réalité j’ai un peu de mal à trouver du temps les week-end pour coudre de gros projets ou alors il me faut les deux jours sans rien d’autre à faire. Donc la plus part du temps, je réfléchis au projet en fonction des besoins (fringues, culottes, cadeaux…) Il me faut un but précis et une fonction à la clé.
    Quand j’ai l’idée, je me promène les soirs sur pinterest (moi aussi j’adore) et je cherche un patron. Souvent je l’ai sous le coude dans mes « Ottobre ». Une ou deux créas à la fois, pas plus.
    – Phase 2 : Je programme un moment pour réaliser le projet (et pour moi aussi, plus c’est urgent plus je suis productive !)
    – Phase 2bis : parfois je bloque sur le tissu à utiliser, je m’empêche de coudre juste parce que je n’arrive pas à me décider et je peux perdre une journée entière rien que pour ça !
    – Phase 3 : le report de patron, la découpe et la réalisation se font dans le week-end max. Je n’aime pas avoir des en-cours parce que sinon, ils trainent et je n’arrive pas à les finir (sauf pour les sous-vêtements, ça ça va !)
    – Phase 4 dans la suite de la phase 3 : j’offre ce que j’ai cousu aux bénéficiaires et je fais la mère malheureuse pour qu’ils veuillent bien prendre la pose (ça ne marche pas à tous les coups, ils sont sans pitié !!!) et ensuite je poste sur insta et je rédige un article sur mon blog.
    Je fonctionne par frénésie couturesque. Souvent je couds beaucoup pendant quelques jours puis plus rien pendant plusieurs semaines… je ne l’explique pas mais quand ça ne veut pas, je ne force pas. Par contre, quand je suis en crise de couture, j’ai une sorte d’adrénaline incroyable… il y a quelques temps, j’ai cousu dans la même journée 2 sweats et deux pantalons de jogging pour mes enfants + un sweat pour moi !!! J’étais tellement à fond, on aurait cru une junkie 😉 !!!
    Voilà ma façon de coudre, j’espère t’avoir donnée des pistes 😉 A très bientôt ici ou là bas !

  • Bergeou

    Pour la couture la plupart du temps je choisis mon patron, je le reporté ou je l’assemblé, je coupe mon tissu et je couds jusqu’à qu ece soit terminé. Pour l à broderie, le crochet , le tricot là j’ai plein de projets boulets, commencés, pas terminés. Il me faut un but soit porter le vêtement, l’offrir et là c’est bon je n’arrête qu’une fois que c’est fini. Quand je fabrique des cadeaux pour mes filles comme j’ai une échéance c’est bon mais tu vois le livre brodé je ne me suis pas mis d’échéance alors il n’est toujours pas fini alors qu’il ne reste que l’assemblage. J’ai plein d’amigurumis au crochet qui ne demandent qu’à être assemblés.

  • Anne_dbgn

    Super intéressant de lire ton processus créatif! Moi, j’essaie de faire projet par projet (je peux avoir 1 en cours couture et un en cours tricot en même temps… mais si j’en ai plus c’est assuré que je ne touche plus à rien, comme si l’objet inachevé me « stressait » et que le fait de commencer autre chose m’amènerait à me disperser et à ne plus rien faire du tout).
    Et après…. je faisais surtout des vêtements jusqu’à maintenant : je me rends compte qu’au final ce n’est peut être pas ce que je préfère. Et puis je suis en pleine réflexion pour avoir un dressing cohérent et peu rempli alors maintenant les projets vont être beaucoup plus longs à naître. Il faut dire que j’ai moins de temps pour coudre et tricoter (bb 2 à 2 mois…) alors j’essaie d’imaginer des choses qui vont être portées longtemps.
    Et puis tes créations diverses pour tes enfants m’inspirent beaucoup…alors je crois que je vais aussi essayer de coudre plus pour les petits !
    Merci beaucoup pour tout ce que tu partages !

  • Bon espérons que mon ordi n’efface pas encore mon post … Mais du coup je raccourcis.
    C’est très rare que des artistes ou des créateurs parlent de leur processus créatif sans faux semblant ni mystère et je suis très touchée par ton partage.
    Je vois tellement de souffrance lorsque que je témoigne de mon activité, de gens qui ne se sentent pas créatifs. Je crois que tout est affaire de travail et de lâcher prise tout à la fois… Les idées sont fragiles et viennent de notre capacité à empiler, mixer décanter…D’où viennent les tiennes ? Pourquoi certains projets nous taraudent au point qu’on est capable de passer une nuit blanche pour les mener à bien quand d’autres dorment sur des étagères pendant des mois voir plus… Je dirais que l’équation d’un projet abouti c’est : une idée forte + une technique et du matériel créatif qui nous plaît ou nous motive + une occasion d’offrir ou un but + une bonne dose de temps … J’oublie qqchose maîtresse dans mon équation ? … Et en suivant cette loi mathématique implacable on en arrive à, pour ma part, une bonne 15aine minimum de projets en cours de front, de la peinture grand format à la sculpture en bronze, du jouet pour mes filles aux projet éditoriaux MCI et autres, sans compter les projets perso bois, textile laine, etc… Ah et les collabs aussi… Je me suis remise à créer il y a 6 ans, j’ai la sensation d’être une rescapée mais aussi je sens une urgence du temps qui passe qui tout à la fois me donne des ailes et me désespère… Et toi as-tu toujours été créative ou as-tu des phases dans ta vie de pause ? Où l’inspiration ou le temps ou l’envie ont disparu ? Préfères tu les projets perso ou de commande ? … Il y a tant de sujets autour du processus créatif et si peu de littérature et de témoignages sincères. Merci encore ! ET Merci à Camille 1001 étoiles de m’avoir permis de te découvrir.
    Héléna

    • Merci d’avoir pris le temps de répondre…
      De tout ce que je me souviens, oui, j’ai toujours été créative, mais je crois que cela prend de plus en plus de place dans ma vie.
      Les rares moments de pause ne sont pas bon signe, c’est quand je ne vais vraiment pas bien !
      Je préfère évidemment les projets perso, je n’ai jamais été aussi créative (et heureuse) depuis que ce n’est plus mon métier !

  • Passionnant décorticage ! Merci beaucoup !!
    Pour la tendance à multiplier les projets et la facilité à passer de l’un à l’autre, il paraît qu’on appelle ça polychronie, en jargon relation au temps.
    Ce qui fait de moi une « bichrone » !?! monochrone dans mon travail de tous les jours mais complètement polychrone pour les projets couture (au moins 20 projets commencés…). A moins qu’il ne s’agisse d’une boulimie compensatoire, en raison du peu de temps que j’arrive à y consacrer ? (il se trouve que je fais pareil pour les lectures)…

  • elodie b

    Moi j’ai toujours le cerveau qui bouillonne d’idées et peu de temps finalement à leur consacrer… alors j’ai décidé d’échelonner mes créations, je n’en commence pas une sans avoir finie l’autre (quelle frustration parfois ! )… Montrer le résultat est motivant aussi 🙂

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